ROMAN / seum drogue millionnaire

J’crois que c’est dans l’ère du temps, chacun cherche son bouc émissaire, ouais, d’une simple vie ratée à l’envoi d’une bombe nucléaire. L’amour manque d’air dans leur monde, nous on suffoque, tout ce qu’on supporte ça pressurise, et c’est les psys qui vont exorciser. Que quelqu’un me dise si j’ai des chances de voir enfin la paix exigée.

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C'est l'histoire d'une chute. Celle d'une daronne qui préfère la bouteille que ses mômes, celle de gosses oubliés par leurs parents par la société par le monde entier, celle de toute une putain de génération. C'est les cités de bitume dans lesquelles on nous parque comme des animaux, c'est l'béton qui prend tellement de place qu'il éclipse tout le reste.

J'les déteste.

Eux et leur silence, celui qui vrille les tympans plus fort que tout le brouhaha qui nous berce, plus fort que les sirènes des flics, les cris des gens qui s'déchirent, les beats sales qui résonnent à tous les étages. On entend plus rien, quand on a pas la réponse qu'on veut.

J'entendais plus rien, quand j'gueulais face à une mère noyée sous les vagues de l'alcool, quand y avait rien d'autre que ma voix et le vide et l'envie de tout dégommer. Le néant qui devient un grésillement strident dans l'crâne, à niquer toutes les fréquences sauf la plus importante – sauf celle de Lola. Celle qui m'demande combien de joints j'ai fumé quand j'lui dis que les étoiles sont belles. Y en a pas chez nous, elles s'éteignent une par une parce qu'on les tue avec la pollution et les lumières artificielles. Au-dessus d'nos têtes y a rien d'autre qu'un ciel noir qui m'étouffe et que j'voudrais fuir, mais ils sont toujours là pour me dire que j'peux pas. J'pourrais jamais parce qu'on nous fait croire au libre-arbitre mais tout est déjà tracé. J'te prête ma gueule et mes pompes, essaie de quitter la cité tu m'diras si tu trouves la solution.

On veut pas de nous là-bas, hors des cages qu'on nous a gentiment bâti.

Ils ont leur vie rangée comme mon géniteur, comme celui qui connaît sûrement rien de plus que mon nom et celui de Lola. C'est tous les mêmes, tous des fils de pute qui nous classent en deux catégories : les bouffons là pour les divertir, et les menaces à garder le plus loin possible.

J'les déteste, putain.

J'ai essayé. Je jure que j'ai essayé. Mais en respectant leurs règles tu récoltes rien d'autre que l'mépris alors on fait tous pareil, on leur crache à la gueule et au final on leur donne raison. J'en ai plus rien à branler, tout ce que je veux c'est m'en foutre plein les poches et me tirer d'là, emmener Lola avec moi.

C'était l'plan, quand j'ai voulu passer du shit aux guns. C'était l'plan mais tout a foiré et l'addition était tellement salée que j'ai pas voulu la payer. Resto-basket, j'ai juste oublié que j'étais pas venu bouffer tout seul. J'm'en suis sorti. Pas Alek. C'est comme si je l'avais poussé sous le bus et que j'me pointais mettre des fleurs sur sa tombe. J'ai l'impression d'aller au cimetière chaque fois que j'vais le voir au parloir, chaque fois que j'lui mens – mais c'est pas lui qui est mort et enterré, c'est juste sa liberté. Un bout d'ma dignité avec elle.

C'est l'histoire d'une chute et j'vois chaque étage qui défile, j'vois le sol qui se rapproche à mesure que je m'enfonce dans les mensonges et les secrets. Plus ça va et moins j'parle, le mutisme qui érode toutes mes relations plus férocement que de l'acide. J'vais les perdre un par un et j'sais pas comment les retenir autrement qu'en enfilant un masque. Jusqu'ici tout va bien, tu sais ?

En vendant Alek j'ai vendu mon âme au diable, j'ai perdu mon honneur et même s'ils m'ont pas passé les menottes aux poignets j'suis pieds et poings liés. Les traîtres c'est la pire sous-race et j'en suis devenu un. L'étiquette collée à moi, j'ai beau l'arracher c'est trop tard, ça s'est incrusté en lettres capitales dans ma chair. Pas encore sur mon front mais ça finira par venir, ils finiront tous par savoir et j'serai plus rien.

Cette chute c'est la mienne et j'sais même plus qui j'dois blâmer, j'veux croire qu'on m'a poussé mais peut-être que j'ai juste été assez con pour sauter. Hubert le dit mieux qu'moi : l'important c'est pas la chute, c'est l'atterrissage. Plus ça va, plus j'me dis qu'y aura personne pour me réceptionner à l'arrivée. J'vais m'éclater sur le bitume et ils diront que je l'ai mérité.

Paraît qu'le sang devient noir sur l'asphalte.
J'espère que ça sera la même teinte que l'ciel que j'ai jamais pu atteindre.