CHLOE - La vérité c’est qu’on s’emmerde profondément parce qu’on a plus rien à désirer.

Les silhouettes se mélangent doucement devant tes yeux endormis, les pages de papier glacé du numéro de Vogue défilent et se confondent pendant que le sommeil te happe petit à petit. C’est là que tu entends son rire, depuis l’autre bout du lit, et t’entrouvres à peine les yeux, juste de quoi discerner les siens, rivés à l’écran lumineux entre ses mains. Tu vois son regard s’animer au fil des mots qu’il rédige, et un sourire teinter doucement son visage, et tu sens, tu sens ta gorge se nouer, une boule s’y former, t’empêchant de respirer. Tu sais très bien qu’il parle à une autre, et t’as ce besoin de réagir, y a comme une alerte dans ta tête, une faille dans le système qui fait tomber le magazine au pied du lit, te rapprocher de lui. « Tu fais quoi bébé ? »  Tu lui souris, désinvolte, mais il te connait, et avant que ta tête ne se dépose sur son épaule, l’écran est éteint, et d’un mouvement rapide, le téléphone se retrouve hors de ta portée. « Rien. » Qu’il te répond en se redressant, son visage faisant face au tien. Et vous restez là quelques secondes, vos corps à peine espacés mais c’est tangible qu’un véritable fossé vous sépare, rempli de non-dits, de mensonges, de tromperies.
Mais il n’y a toujours eu que toi et lui, depuis le début. C’est la seule chose que vous aillez connu. Lui et toi, et vous avez peur, vous êtes terrifiés à l’idée que l’autre ne tombe amoureux, qu’il vous laisse seul dans votre jeu. Tu revois les photos de vous dans la presse, dans les albums, apparences parfaites, tu penses aux sourires de satisfaction de vos familles. Des fois tu te convaincs que ce que vous avez est vrai, mais Chloé, qui penses-tu tromper ? Est-ce que tu te sens coupable quand tu poses tes lèvres sur d’autres bouches que la sienne, quand tu te glisses dans d’autres lits, quand les battements de ton cœur s’accélèrent pour d’autres que lui ? T’es égoïste, dans le fond, tu veux juste son attention. C'est ton meilleur ami et tu as peur qu’il te laisse. T'as peur que ça te rappelle que tu n’es qu’une poupée dysfonctionnelle, brisée par l’absence de son paternel. Que tu fais partie de ceux qui ont tout, mais que tu ne te sens toujours pas complète, et t’as peur de l’admettre. C’est pas de l’amour mais c’est tout ce que t’as, tu sais très bien que dans quelques heures tu te glisseras dans d’autres bras. Tu déposes doucement un baiser sur ses lèvres, le cœur au bord du précipice, et tu ravales ta peur.
Le perdant se retrouvera seul, mais à cet instant, vous êtes deux et il est encore là.