SURESH - v o c a b u l a i r e

V o c a b u l a i r e.

Tu te rappelles encore, le nombre de mots que tu devais apprendre lorsque tu n’étais qu’un enfant. Tous ces mots que tu apprenais, épelais en cours. Pour avoir de bonnes notes. Il y en avait tellement. Mais, surtout, tu voulais toujours, toujours, en apprendre des nouveaux parce que… Parce qu’une fois les yeux fermés. Forts. Très forts. Il te suffisait d’épeler encore et encore. Épiphanie, caricature, obstacle, marathon, avec un h, ne pas l’oublier. Oui, tu en avais appris tellement. Tellement. Pour ne pas penser, oublier. Pour ne pas sentir, lorsque les mains de papa t’attrapaient les hanches violemment. Jusqu’à entrer en toi. Brûlante violence. Pour ne pas sentir, lorsque maman se glissait sous tes draps dans la nuit. Des milliers de mots. Pour ne plus rien ressentir.

P é d o p h i l i e.

« Tu fais chier ok ! Dépêche on n’a pas qu’ça à foutre ! » Et ta main agrippe la nuque du gamin qui se débat. Et ta main serre un peu trop fort, peut-être qu’il aura quelques traces rouges. Mais, le ptit con, il a rendez-vous au commissariat. Et putain, c’est toi qui dois l’accompagner. Il est bien hors de question d’arriver en retard. Alors, tu le traînes vers la voiture, lui grognant après. Essayant de lui expliquer, merde. Que la vie c’est pas si moche. Mais, tu sais. Qu’il t’écoutera pas. Tu le sais parce que toi-même, t’as pas écouté. Tellement pas. Et t’en as fait des conneries. Tellement. Pour crier, pour chercher à ce qu’on te remarque. À ce qu’on remarque. Les marques trop bleues de papa le long de tes cuisses. La porte claque et tu t’engouffres côté conducteur. « Tu veux que j’te dise quoi unh !? On te l’a pas dit assez ? Mais continues, y a pas de souci. De toute façon, tu sais bien ce qu’il va se passer. » Et le moteur démarre et tu mets la musique à fond.

E d u c a t e u r.

Fixer les immeubles face à toi. Froncer un peu les sourcils alors que ton sac est là, contre ton épaule. Le reste de tes affaires étaient déjà arrivées, il y a quelques jours. T’as pas vraiment demandé à être muté ici. Mais, tu l’avais quand même un peu voulut. Pour pouvoir faire tes preuves. Pour connaître un autre endroit. Une autre citée. Toi, t’étais pas réellement de ce monde. Putain non. Alors, parfois, tu frissonnais en les voyant tous ces immeubles. Ces cages dans lesquelles on naissait parfois, et dans lesquelles on mourrait aussi. Souvent au même endroit. Souvent de la même façon. Mais t’avais pour mission d’ouvrir le premier centre pour jeune. Là, aux pieds de ces immeubles, dans le complexe tout neuf qu’accompagnait le dernier-né. Tu te demandais bien si tu serais à la hauteur.

Mais tu savais, que quelque part, tu pouvais les comprendre. Parce que t’en avais fait des conneries. Parce que t’avais souffert toi aussi. Peut-être bien plus qu’eux. Peut-être.

Et la clope se glisse doucement entre tes lèvres alors que t’es posé dans un coin de la cour. Le cul posé sur le dossier du banc, ton regard s’attardant à droite, à gauche. T’avais pas encore officiellement commencé, tu préférais être anonyme. Encore un peu. Avant de te faire ranger dans la plus mauvaise des cases. Correspondant sûrement à celle des parents ou des profs. Oué une de celle-là.

V o c a b u l a i r e.