middle finger in the air

T’as pas démarré du bon pieds. A la base, c’était tes parents et toi. Jolie petite famille installée sur son île depuis des générations. Un paysage de carte postale, des manières un peu abrupte mais la fierté du pays natal qui coule jusque sur l’accent chantant. T’étais fait pour une vie de rêve. Ca a un peu dérapé en cours de route. Le paternel s’est fait tuer quand t’étais rien qu’un môme. Une maison qui saute et lui qui se trouve encore dedans. T’as pas pleuré, toi. Chez les Albertini, on chiale pas, on encaisse. Alors t’as bombé le torse et juré qu’un jour, il aurait sa justice. La famille s’est relevée, ta mère et toi main dans la main. Elle habillée en noire, destinée à le rester, portant le deuil jusqu’à ce qu’elle décide qu’elle en aurait assez. Toi, une main tendue vers les Simeoni. Ton père était comme un frère, et le sang coulé, c’est pour eux qu’il l’a été. A leur contact, t’étais pas qu’un orphelin. T’avais des protecteurs, des mecs qui t’ont pris sous leur aile. Qui ont remplacé le père sans pour autant le faire oublier.

T’as grandi avec la vengeance au coeur. Tu voulais faire payer le mec qui avait emporté ton paternel. L’adolescent que tu étais devenu n’a pas oublié les sanglots étouffés de ta mère, la solitude devant tes potes et leurs pères. Un jour, tu as vu l’ouverture. Un nom qui revenait sans cesse, celui du type à abattre. T’avais pas de quoi faire sauter la maison, alors t’as foutu le feu, attendant d’être sûr qu’il soit dedans. T’étais fier, au début. Tu jouais les caïds et t’aimais le regard flippé de ceux qui s’inquiétaient de cette lueur nouvelle dans tes yeux. Et puis les années ont passé. T’avais des flashs, des moments de doutes. Le remord qui s’insinuait dans un coin de ton âme, le sentiment qu’au final, t’avais vengé personne. Pour la première fois de ta vie, t’étais à l’étroit sur ton île. Alors quand Costa s’est tiré sur paname, t’as vu l’occasion de tourner la page. T’as suivi comme tu l’as toujours fait, t’as juste menti sur les raisons qui t’ont poussé à partir, en vrai.

Les kilomètres ont défilé, mais t’avais toujours ce remord qui t’obsédait. Tu t’es rendu compte qu’avec l’alcool, cette voix dans ta tête finissait par la fermer. Alors t’as commencé à picoler, pour plus savoir quand t’arrêter. T’as multiplié les excès. Les jeux d’argent, les meufs, les bagarres, les combines pas souvent légales. Et puis t’as rencontré cette fille. T’as continué tous tes vices, sauf les filles faciles. Ca y est, t’étais rangé. T’as pas la gueule du prince charmant, pourtant. Et ta colère constante, ton sang qui boue dans tes veines, il a bien fallu qu’elle récupère un peu de ta douleur. A la force des coups, t’as fait passer le message. Tu veux pas la frapper, t’es juste pas capable de contenir toute ta haine. T’as jamais pu, et même pour elle, t’es pas foutu de rentrer totalement dans le rang. Mais toi, tu vois pas tes problèmes. T’as pas d’emmerdes, toi. C’est les autres qui en ont avec toi. Toi, t’es le bon mec, celui qui s’amuse sans s’occuper des règles, celui qui cherche à tracer sa vie avec le torse bombé, comme tu l’as toujours fait.