temporary insanity

J’aime la vie la vraie, le sucré le salé, le doux, l’amère, les envies qui défilent, mais l’humanité fragile. J’étais, la petite fille arrachée à ses pairs, l’enfant bousculée par les autres et victime du marché de l’adoption. Une adoption ratée, clandestine et sans papiers. Le Cambodge pour racines, les frontières en passages ouverts sur son chemin, acheminé vers d’autres pays inconnus en direction pour l’Europe de l’Ouest. On a tenté de lui expliquer à l’époque que la vie est bien plus simple là-bas, plus saine et facile, mais elle n’avait rien compris à la discussion, les yeux brillants d’une solitude forcée.
Une famille à adopter, malgré son jeune âge et la barrière de la langue, la France comme berceau inadapté. Elle a longtemps refusé de parler, trouvant rébellion dans ce silence indompté, l’enfant deviendra grande et sans gêne, désabusée par les prouesses injustes de cette mère patrie. Plusieurs fois retrouvée ailleurs, des fugues à répétition qui la forceront à prendre le chemin du foyer, un conflit permanent malgré cette envie irrépressible de ce sentir aimer. Elle était sociable, mais sans grand amabilité. Elle se demandait tous les jours comment aurait été sa vie là-bas, au Cambodge, était-ce vraiment mieux ici ?
Le jour de sa majorité elle était partie. Un lit vide contre un soulagement pour ses responsables. Elle quitta la campagne pour Paris, d’où elle comptait prendre un avion pour rentrer, un papier dans sa poche, celui avec son véritable nom d’inscrit, patronyme originaire de son vrai pays. A la recherche de ses origines, mais bloquée à l’entrée de l’aéroport faute de passeport et même d’identité.
Elle devint réfugiée.
Sans argent, sans toit où s’abriter, elle pendant un temps la chaleur du foyer. Elle écuma les centres de secours et les associations toujours à la recherche d’une solution, d’une porte de sortie pour fuir encore. Mais rien n’arriva, juste ce gars qui trainait aux alentours, celui qui signa sur sa tête un crédit venant de nulle part. Elle fut captive de cet homme aux yeux noirs qui la poussa à gagner de l’argent pour lui offrir un toit. Des mois à se prostituer comme seul moyen de survit, une routine qui s’installa bien trop vite sans lui laisser le choix de comprendre le vide dans lequel elle basculait.
Un jour pourtant. Cet homme aux allures de gangster, plus redoutable qu’aucun autre, refusa que ton destin ne se scelle à celui d’un proxénète. Elle la vue comme un ange tombé du ciel, sans vraiment comprendre pourquoi on se souciait tout d’un coup d’elle au point de la délivrer. Le genre de gars avec rien à prouver, juste une gueule pour dissuader. Alors elle est tombée amoureuse de son ravisseur, liée par Stockholm et sans toujours un autre endroit où aller. Habitée chaque soir par ce démon adulé, elle nie avoir besoin d'autre chose que sa main mise sur sa vie, il lui a tout donné. Tout ce qu'elle n'avait jamais pu rêver sur fond d'argent présumé sale. Elle niera. Trop attachée, trop amoureuse pour ne pas tout lui céder.