Pour nous punir de notre paresse, il y a, outre nos insuccès, les succès des autres | Sam

Aujourd’hui je dois rien faire. J’avais commencé hier, mais j’ai pas terminé. En cette belle matinée, je… Ah, il est 12h13. En cette belle après-midi, je me lève. Le petit déj c’est une clope et une fin de pizza, comme dans la chanson d’Orelsan. De main libre, je parcoure mon téléphone. Des coups de fils manqués, un compte en banque en panique, un mail de relance de pole-emploi, un story snap de… D’elle. C’était pas toujours comme ça avant. Non, c’était plus facile enfant. On s’occupait de moi, là je me vois pas m’occuper de moi-même. Fille unique, petite sœur imaginaire pour jouer, petit frère imaginaire pour se bagarrer. Lego, football, power rangers : oui. Polly pocket, poupée à coiffer, dinette : non. J’ai encore faim alors je sors pour acheter des croissants. La serrure ferme pas, faudrait penser à la faire changer, mais j’ai ni le temps, ni l’argent, ni la motivation pour le faire. J’hésite à apprendre à le faire moi-même, j’ai fait pareil pour les chiottes, maintenant je peux te réparer les chasses d’eau les yeux fermés.

Mon problème principal, si je ne devais en parler que d’un seul, c’est que je me fous de tout. Je me fous de mon avenir, je me fous de la coupe du monde, je me fous du mariage gay, je me fous de ne pas savoir quoi faire de ma vie. J’végète, mais je me plains pas. Et je me suis pas souvent plain dans la vie. Tout s’est bien passé quand j’ai déménagé, deux fois, papa était militaire. Tout s’est bien passé quand j’ai dit à mes parents que c’était pas un petit copain que j’allais ramener. Tout s’est bien passé quand j’ai été accepté à l’université. Mais alors il s’est passé quoi après ? À partir de quel moment les études ont-elles cessés d’êtres importantes ? Ils sont plus de croissants, je prends un pain au chocolat. Je m’assois pas pour le manger, après on me jette des pièces, j’mange en marchant. Je préfère être dehors quand dans l’appart, il est dans un mauvais été. Au moins ce mois-ci, je pourrais payer le loyer. Livrer des pizzas, c’est pas marrant. Y a un côté social, c’est vrai. Mais je me fous des gens. Je l’avais bien dit que je me foutais de tout.

Pendant un moment, j’ai cru que j’allais faire ma vie avec elle. Elle, je m’en foutait pas. Quatre ans c’est pas rien, et les souvenirs ne disparaissent pas d’un coup comme ça par magie. Un passage au bar pour croiser la bande habituelle et commander la boisson habituelle. J’aime trop la routine pour vouloir essayer des choses. J’ai peut-être pas encore rencontré les bonnes personnes, peut-être qu’un jour, ça changera. Peut-être qu’un jour, je ne saurais pas de quoi demain sera fait, peut-être qu’un jour, je serai de nouveau surprise par la vie. En attendant, je vais retourner me coucher.