à l’ammoniaque (corentin)

Je n'suis pas un écrivain, je suis plus qu'un esprit simple. ☾ T’as grandi dans un quartier de Paris dans lequel tu t’es jamais senti chez toi. Petit quartier bourgeois, bobo que tes parents affectionnaient tout particulièrement, déjà gamin, t’étais loin d’être de leur avis. La première fois que t’as réalisé qu’ça ne collerait pas entre ton père, ta mère et toi, t’avais dix ans. L’arrivée de Sullivan et Malek n’a pas aidé à te faire changer d’avis. De toute évidence, la seule personne que t’avais dans ton camp, c’était sans hésitation Malika, elle n’était pas seulement ta grande sœur, elle était surtout ton alliée. Mal a été la première à se retrouver à la rue. T’as plus croisé son regard noisette depuis. Elle avait seize, t’en avait douze et tes frères en avaient dix et neuf. Comment des gamins aussi jeune pouvait avoir accepté que papa, le si parfait papa, foute sa fille à la porte ? Du moment où t’as perdu ta seule alliée, au moment où ton père à de nouveaux réuni tes traîtres de frères et ta salope de mère pour te foutre à ton tour à la rue, t’as laisser une haine plus que malsaine s’immiscer dans ta tête. Elle était belle loin de la jungle, mais bon la jungle l'a attrapé . ☾ T’avais seize ans quand t’as dormi pour la première fois dans la rue, pour de vrai. Pour de vrai, parce que t’avais déjà fugué des dizaines de fois avant, tu fuyais ta famille de fou, tu fuyais ton avenir incertain. T’entrais à peine au lycée quand ton père t’as posé un dilemme. T’avais le choix entre remonter ta moyenne et rester chez les Adan ou continuer à chuter et te retrouver solo dans paname. Défier la figure paternel étant devenu ta priorité, t’as carrément arrêter de te présenter en cours. Tu passais tes journées à te défoncer avec tes potes, tu rentrais chez toi avec l’odeur de la clope et de la beuh imprégné dans tes cheveux et tes fringues. Il a pas fallu longtemps pour que ton putain de père convoque de nouveau la famille pour savoir quoi faire de toi. Le plus drôle dans tout ça, c’est que sans Malika, personne n’avait voté pour que tu restes ici. Elle, avait au moins eu droit à ta voie à toi pour la soutenir. T’avais le même âge et t’allais toi aussi te retrouver à la rue. Salopard de père. Salope de mère. Connards de frères. Tes premiers jours dehors, tu les as vécus comme ta liberté chérie. Squattant les canapés de tes potes les plus vieux, jouant les enfants modèles chez ceux dont les parents acceptaient de t’héberger le temps d’une petite semaine. Puis plus rien. T’as survécu six mois en squattant, puis tes potes ont disparu de la circulation. T’as dormi sous les ponts les premiers jours, puis t’as dormis sur des bancs. T’as bougé de quartier en quartier pour jamais croisé la sale gueule de ton daron. T’étais trop en colère pour ne pas vouloir lui faire la peau. T’étais trop effrayé pour essayer de recoller les morceaux. L’année de tes dix-huit ans, t’as cru apercevoir Mal au détour d’un couloir du métro. T’as jamais trop su te repérer dans ce dédale, pour un Parisien, tu passerais plutôt pour un demeuré. T’as couru après la brune que tu croyais être ta sœur, mais t’as pas réussi à la rattraper. Et tu l’as plus jamais revu. Tu t’es accroché au souvenir de Malika pour survivre dans la rue. T’as supporté les coups. Les putains coups. Ils te faisaient moins mal que la faim au début, puis tu t’es mis à chercher la bagarre pour ne plus ressentir le tiraillement quand tu crevais la faim. Tu préférais que les petits-bourgeois qui se croyaient supérieurs à toi, passent leurs nerfs de pauvres petits cons frustrés sur toi, ça te faisais te sentir vivant le temps d’un instant.  En possession d'drogues, les jeunes sont fêtards, quelle ironie d'mourir en position fœtale . ☾ T’as jamais été réellement accro à une quelconque drogue. Pas que tu t’en souviennes. Il t’est arrivé de fumer de la marijuana quand t’étais au lycée, tu as souvent bu quand t’étais dans la rue, t’as aussi toucher à pas mal de chose. Mais t’as jamais été accro. T’as jamais été attiré par tout ça, tu ne voulais pas planer, tu voulais rester lucide. Peut-être qu’on pourrait dire que t’étais accro à la douleur ? T’en sais rien, t’as jamais vraiment réaliser que tu pouvais l’être. Tu laissais les gens te payer pour te frapper, mais c’était plus pour oublier la fin après tout. Nan, vraiment. T’as jamais été un camé. T’as passé six ans dans la rue, à refuser les avances alléchantes des vendeurs de stup, en t’accrochant au souvenir de ta sœur que tu retrouverais sûrement un jour et pour qui, tu te refusais à devenir une épave. À chaque fois, j'crois qu'j'ai fini l'jeu, ça repart à zéro . ☾ La dernière année que t’as passé sans un toit au-dessus de ta tête, n’a pas réellement été une année complète. T’entamais ton deuxième mois, t’avais plus le courage de t’en sortir. Tu t’étais laisser crever, assis dans un coin, sans même plus chercher à manger ou à boire, sans plus faire la manche depuis un mois. La seule chose qui t’avait tenu en vie, c’était cette personne que tu ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, qui te déposais chaque matin, un chocolat chaud et une pâtisserie, un sourire et un bonjour. Tu t’es accroché à cette personne dès que t’as compris que t’avais encore une chance de t’en sortir, que peut-être, le monde n'était pas si mauvais que tu le pensais. Ton inconnu a continué à passer te voir chaque matin pendant trois mois et puis un jour, il s’est arrêté, s’est assis à ta droite et s’est présenté à toi. Vos conversations ont duré de plus en plus longtemps et quand l’inconnu à débarqué un jour avec une proposition d’emploi et d’hébergement, t’as cherché des yeux la caméra qui filmait le prank le plus long et le plus dégueulasse que t’ai connu. Mais ton bon samaritain ne rigolait pas. Il vous a fallu six mois encore pour que tout se mette en place. Grâce à la motivation et à la confiance que ton inconnu avait placer en toi, t’as repris tes études, on t’as proposé des cours de rattrapage et t’as passé ton bac en candidat libre, un an après ta rencontre avec l’inconnu. T’as trouvé un boulot quelques mois après avoir obtenu ton diplôme, ce qui t’as permis de quitter l’appartement de ton sauveur où tu logeais gratuitement, pour avoir ton propre chez toi. T’as pas les moyens de vivre dans Paris même, mais ça te déranges pas de bouger de là pour t’en sortir et reprendre ton indépendance. T’es le plus heureux des hommes, tu t’en sors, tu vois enfin la lumière au bout du tunnel. T’y crois enfin, que t’as peut-être pas rater ta vie.  Je n’ai pas de limites j’contrôle le bail. ☾ En reprenant le cours de ta vie, tu perds l’adrénaline de la vie dans la rue. Tu cherches encore et toujours à retrouver cette putain de sensation de vivre pleinement que tu ressentais dans tes bagarres de rues. Cette adrénaline qui te poussait à repousser tes limites. T’as trouvé comment combler ce manque en rejoignant un groupe que t’as rencontré quand t’étais encore qu’un petit con qui vivait chez ses parents. T’avais jamais vraiment perdu contact avec eux, quand t’as repris ta vie en main, t’as aussi retrouvé des contacts que t’avais plus vraiment. Le groupe que t’as rejoint n’avait pas de nom. Ils en avaient jamais eu, parce que tout ce qu’il faisait n’était pas spécialement très légal. Ils se filmaient dans des situations choisis par les internautes et postaient le tout sur leur propre site. Le site s’appelait u dare, we do et le principe était des plus simples. Les internautes payent un abonnement d’un an et peuvent ensuite lancer des défis aux membres du groupe, plus ils sont prêts à mettre d’argent dans le défi qu’ils envoient, plus le défi peut-être dangereux. L’abonnement donnait accès aux défis les plus simples, sans danger, un peu fou, mais très simple. Voler un pot de mayo dans le supermarché du coin par exemple. Et pour des défis plus barrés, il suffisait de rajouter un peu d’argent, pour élever le pallier de danger du défi. C’était la source d’adrénaline qu’il te fallait et il t’as clairement pas fallu plus de trois mois pour qu’on te voie partout dans paname et ses alentours, te foutre dans des situations plus stupides les unes que les autres, parfois dangereuses, parfois simplement folles. T’es de nouveau dans un environnement stable, mais t’es sûrement encore trop con pour réaliser que ta seconde chance t’offre pas une seconde vie. Si t’as survécu à la rue, tu peux survivre à tout. On est bien con quand on est jeune. Avide du danger, envieux de jouer avec le fil de la vie. Comme toujours il est huit heures du soir j'ai dormi tout le jour. ☾