félix - save it for the morning after

Spleen. Ce soir là, je sortais du bâtiment comme au ralenti, mes pas foulant le macadam encore brûlant avec une lenteur presque exagérée et arborant une mine défaite qui aurait pu mériter un oscar. C'est sans doute triste à dire mais je me sentais comme épanoui dans mon malheur, comme si une part de moi se complaisait à accumuler les mauvaises expériences. La créature de la nuit qui m'avait invité poursuivre la soirée chez elle a brusquement changé d'avis dès lors que son taux d'alcoolémie a commencé à prendre la pente descendante. La fête était finie, plus de gin to, plus de hash, et ma toute dernière trace, bien à l'abri dans le revers de ma manche, gardée au chaud en cas d'urgence. Il n'y avait plus rien pour permettre à cette fille de me confondre avec un mec avec lequel elle coucherait. C'est vrai qu'en plus d'avoir l'air infréquentable, j'étais en ce moment d'un ennui à mourir et j'avais une propension à transmettre aux autre mon cafard. Et à force de me poser toutes ces questions, de faire preuve d'une lâcheté sans limites en plus de ne pas avoir de véritable motivation pour aller au charbon, le charme était rompu - si toutefois cette naïade dont j'ai oublié le nom y avait été une fois sensible. Elle me boutait hors de son appartement avec un air à demi désolé.
De toutes manières, elle était trop jolie pour moi. Après tout, je n'ai jamais été un canon de beauté. Je l'ai toujours su, et je ne le vis pas si mal puisque malgré cela, j'ai pu vivre quelques aventures agréables. Seulement si j'avais été beau, X aurait sans doute pardonné mes humeurs en me demandant de la sauter, et aurait surement été la première à me renvoyer un message le lendemain. En tout cas, je me plais à le penser, parce que comme d'habitude, je préfère me convaincre de la culpabilité d'événement extérieurs et irrépressibles plutôt que de remettre mon comportement en question, c'est plus facile et ça prend moins de temps.
Du temps, j'en ai à revendre pourtant. Mais j'en ai assez de tout remettre en question sans cesse, à jamais être sûr de quoi que ce soit hormis que beaucoup de gens sont des cons ou prétendent l'être. Je préfère me dire que je suis dans un jour noir depuis plus d'une semaine, et que ça ira mieux plus tard ; ça va toujours mieux plus tard. Ces moments de blues sont simplement là pour nous rappeler qu'on est vivants, comment pourrait-on se rendre compte de l'extase que l'on traverse lorsque l'on plane sans une violente redescente de temps en temps ?
Cette redescente elle me frappe un peu trop souvent en ce moment. Pourtant, je n'ai pas de quoi me plaindre : j'ai assez peu d'amis, mais je peux compter sur eux, une soeur qui prend soin de moi et de l'appartement dans lequel on vit, un boulot pas trop chiant et pas trop prenant. Je n'ai pas non plus eu une enfance difficile, ce qui me fait parfois culpabiliser d'être dans un tel état aujourd'hui. Le seul grand drame que j'aie jamais vécu, c'est l'Alzheimer précoce de ma mère, mais je n'en parle pas, ça me donne l'impression de ne pas y penser.

Idéal. Un matin d'été comme celui là, j'en veux tous les jours. J'essaie de garder en mémoire la température de l'air qui caresse mes cheveux emmêlés par la soirée qui s'achève, la dessin des nuages zébrés d'or par le soleil qui se lève pour que jamais l'étreinte de ce bonheur simple ne cesse. Je me retrouve seul, une fois de plus, mais de mon plein gré cette fois. J'accepte timidement ce que le paysage a à m'offrir, brunissant les pages de mon calepin avec mes pensées naïves et mes esquisses tremblantes. Que c'est bon de ne plus avoir que le souvenir de cet étau qui m'oppressait. Je me sens libre. Ma liberté chérie.
« Où étais-tu quand je perdais pieds ? »

Life in the shade. Pour combler mon temps libre – ou plutôt pour remplir mon frigo – je bosse comme projecteur dans un petit cinéma miteux du coin, à quelques pâtés de maison de ma piaule. C’est assez sympa, le patron me laisse fumer dans la cabine, et j’ai suffisamment de temps pour gribouiller mes études anatomiques et mes aplats de couleur. Heureusement, je ne bosse pas à temps plein, ce qui me permet d’avoir assez de temps libre pour laisser ma créativité s’exprimer. Il m’est arrivé d’exposer mes œuvres, mais jamais dans des structures très importantes ou renommées. Cependant, je pense que les retraités de la maison de repos les ont appréciées.

Unforecasted. Je pense qu’une bonne façon d’avancer est d’abord d’arrêter de tourner en rond et de réfléchir. Comment pourrais-je savoir où je vais ? Je vais d’abord essayer de savoir où j’en suis. Qui je suis. Je ne sais pas si les lignes qui vont suivre seront vraiment celles qui me définiront le mieux, mais elles sont le fruit d’une certaine introspection, ce qui mérite d’être relevé. D’ailleurs, le premier point commence tout de suite, je pense avoir besoin de reconnaissance, mon raisonnement précédent le démontrant facilement. J’ai besoin de reconnaissance, et souvent d’encouragements, parce que je suis d’un naturel passif. On pourrait presque me comparer à une pierre finalement, la froideur en moins. J’aime les mangas et la cocaïne. Surtout la bonne. Je me sens vivant, increvable et excité, moins abattu par le néant de ma vie. J’en ai besoin, non pas par accoutumance ni par dépendance physique, mais pour les effets qu’elle procure, même si ça revient sans doute au même. Ma couleur préférée n’en est pas une. Je porte du noir, je peins en niveaux de gris et dessine au fusain. Je ne sais pas si cela témoigne d’un manque d’excentricité, je ne pense pas en fait, puisque cela ne m’empêche pas de porter des vêtements que personne ne porte. Ma sœur est plus jeune que moi mais se comporte comme mon aînée. Elle a de la peine pour moi, de me voir stagner pendant qu’elle avance – qu’elle court. J’ai beaucoup d’admiration pour elle, et si sa présence me rassure, je n’ai pas envie de la ralentir, elle est si belle quand elle est épanouie. Je pense être un fardeau pour elle, il faudrait que je la laisse partir, mais elle ne me laissera jamais j’en ai peur. Je ne pense pas trop bête, mais pourtant je fais preuve de bien peu d’intelligence sociale, et j’ai beaucoup de mal à m’intégrer dans un groupe. Je fais preuve de peu de tact et je suis un mauvais parleur – mais un grand penseur. J’ai souvent besoin de remettre mes relations en question, de tester leur résistance et la loyauté de ceux auxquels je tiens. Enfin, je suis un grand anxieux, j’ai beaucoup d’angoisses. Je m’en protège en préférant ne pas dormir seul quand j’ai le choix.