TOPIC COMMUN | Chaleur, chaleur !

Gueule de princesse, manière de reine, elle agite l’éventail acheté dans un magasins de souvenirs du coin, fait voleter les mèches pâles qui lui entourent encore le visage, posée au pied d’un arbre. L’ombre rafraîchit à peine, le soleil frappe comme un poing contre sa peau qui doit déjà avoir rougit. Face d’anglaise touriste qui ressemble plus à grand chose. A New-York c’était pas mieux, on étouffe, on peine à avancer sous la chaleur éreintante, sous l’astre malsain qu’elle trompe souvent avec la Lune, quand la nuit la pousse à  ne pas dormir mais à vivre de folie dans les rues animées. Azur qui porte mal son nom, aime le ciel bleu juste un peu, pas assez pour aimer faire cramer sa peau comme un groupe d’ados qu’elle voit piailler non loin d’elles, leurs rires trop bruyants la rendant encore moins d’humeur. Mais elle a pas eu envie de rester à l’appart, c’est là qu’elle a pensé suffoquer, que les cris ont encore percutés les murs. Elle voit encore la tentation se poser devant elle, le sourire trop fière de celui qui enchaîne les conneries depuis leur arrivée ici. Elle soupire, lassée. Le nouveau départ est encore loin, encore trop loin pour qu’elle en comprenne même le sens. La langue chantante lui tourne autour en flot de musiques qu’elle écoute parfois attentivement, réfrène un sourire d’enfant quand elle comprend quelques mots, que la phrase prend du sens. Un mois à tenter de s’adapter dans un pays qu’elle a visitée beaucoup trop de fois mais où elle a jamais fait l’effort d’apprendre quoi que ce soit, s’usant le corps dans les mauvais endroits. Dans un claquement sec, elle referme l’éventail tâché de couleurs trop vives, rappelant l’été qui la surplombe et qui a englobé Paname dans sa putain de chaleur. La pause est terminée. Ses flyers à la main, elle se relève Az, descend un peu pour se retrouver sur le béton niqué, troué, malmené par les années qui ont coulées. C’est sans trop d’enthousiasme qu’elle se remet à tendre des feuilles annonçant des concerts, des trucs dont tout le monde se fout parce qu’internet existe maintenant. Putain d’été d’merde.

La blondasse est boudeuse, se fait ignorer, un “va t’faire foutre” au bout des lèvres, le corps s’étire sous la chaleur qui l’angoisse, une main qu’elle cache plus, les cicatrices lancées à la gueule des gens, passe dans la masse humide ses cheveux alors qu’elle n’est qu’un point immobile parmi la foule qui passe et trépasse autour d’elle. Un rocher dans une rivière de gens qu’elle a envie de foutre au feu. Sa face d’ange ne trompe personne avec son air renfrogné. Les flyers se lâchent, certains n’attendent même pas qu’elle ne les voit plus pour les jeter en boules froissées par loin. Connards. Putain d’connards. Elle se prépare à se détourner quand elle percute quelqu’un, trop violemment, peut-être. Non. Sûrement. C’est elle qui tombe en même temps que ses flyers à la con qui s’envolent et retombent doucement sur le sol. Plus doucement qu’elle. Elle grimace. De honte, d’envie de se faire plus petite encore alors qu’elle aime tant qu’on ne voit qu’elle d’habitude. Une lumière qui s’éteint doucement dans les rues d’un Paname devenu four. Ses yeux se posent sur l’intrus, se prépare à recevoir de la rage, s’penche déjà pour ramasser le reste, étrangement silencieusement, relève les yeux quand les mots qui chantent lui viennent aux oreilles. Des excuses, elle l’entend bien. Puis la main qui s’tend vers elle, qu’elle fixe avant de détourner les yeux et de se relever d’elle-même. “Laisse tomber, tu peux y aller.” elle lui reprend trop vivement ses feuilles, de mauvaise foi, chieuse jusqu’au bout de la langue.

Tu aurais pu être en train de profiter des plages de Honfleur, plutôt que d’être sous la chaleur parisienne. Oh, rien de pire que l’été canadien, sauf que tu t’étais habitué à l’été français, où la clim n’était vitale qu’en période de canicule. Tu aurais pu être loin de Paris, mais tu n’avais trouvé personne pour venir s’occuper de tes bébés. Ta cousine était noyée dans ses partiels, la pauvre. A défaut de pouvoir faire autre chose, tu avais décidé de bouger au Jardin des Tuileries. Ben & Jerry’s cookie dough vegan dans une main, ton portable dans l’autre, tu avançais au fil des allées, quand une scène capta ton attention. Une fille et ses flyers venaient de voler. Elle semblait galérer à tous les rattraper. Et surtout, elle avait beaucoup. Tu te dirigeas vers elle et ramassa ceux qui avaient atterris le plus loin. Tu rangeas ton portable discrètement. Si t’as besoin d’aide pour les distribuer, j’aime bien gueuler. Ou j’peux tous te les prendre, dis-tu en lui tendant les flyers que tu avais ramassés.

La honte lui colle à la peau alors qu’elle se relève, l’adrénaline ayant fait remonter la chaleur le long de son corps et allumant le feu au fond de ses yeux. C’est cruel. Il l’a pas fait exprès. Elle le sait pourtant. Peut-être que c’est les heures passées sous l’astre vengeur qui la rendent moins patiente, moins apte à rendre un sourire et être aimable. Elle comprend à peine ce qu’il lui dit, comprend le mot téléphone et cherche le sien dans sa poche avant de lui tendre en haussant un sourcil “Un bigo ? Tu parles une langue inconnue, mec.” Elle secoue finalement la tête, jouant les princesses impatientes “Bref, dépêche toi.” elle ferait mieux de se la fermer, de faire marche arrière, d’aller distribuer ses merdes en papiers plus loin, comme elle pouvait semer la poudre avant. C’est juste moins dangereux, plus ennuyant, ça ramène juste assez de thunes pour qu’elle se reperde pas dans le même cercle vicieux de cauchemars qui s’enchaînent. Du coin de l’œil, elle voit une silhouette s’abaisser pour ramasser des flyers oubliés, le regarde se relever le remerciant d’un bref sourire. Elle a pas tellement l’habitude Azur, des gens qui aident, qui prennent le temps de voir qu’elle existe ici. Ici ou ailleurs, son existence est un peu gommée, au final. “Hum … De l’aide j’crache pas dessus.” elle manie les mots comme elle peut, ayant perdue l’habitude de la sortir de sa bouche pleine de péchés. “T’as pas autre chose à faire que de crever sous le soleil avec une meuf que tu connais pas ?” elle hausse un sourcil, jetant un coup d’oeil à l’autre bouclé, par peur qu’il puisse partir avec son téléphone ou le lui éclater, par vengeance. Parano jusqu’au bout.