(JIMMY) - la coke et les putes

Malgré les derniers vingt quatre ans à vivre ici, yas toujours cette odeur qui te pique le nez quand tu rentres le hall. Cette odeur de crasse, de détergent bas de gamme, de course renversé, de pisse qui stagne dans un coin. Un mélange de toutes ces odeurs qui font le quartier, la grace de Dieu, l’immeuble chopin. Tu te laisses bousculer dans l’ascenseur qui grince, qui s’éventre comme un monstre de fer, manquant de creuver à chaque instant, à chacun monter. Faut dire qu’il en a vu, de toutes les couleurs. Tu pousses la porte du trente-deux, qu’est rarement fermé, parce qu’un jour Vlad la défonce à coup de pied, alors elle ferme plus bien, elle grince quand on l’ouvre et puis de toute façon personne viendra vous voler, peut-être parce que yas pas grand-chose à prendre, peut-être parce que'ici tout le monde vous connaît. Y'as personne à la maison, rien que babunia qui regarde le juste prix, qui gueule sur les participants qui vont pas assez vite et qui sont trop cons de ne pas trouver que le lave vaisselle coute cent soixante dix-neuf euros. Tu te marres en la regardant, traverse le couloir jusqu’à la salle de bain cradingue. Y'as des serviettes qui sèche un peu partout, des fringues qui s’entassent dans tous les coins, parce que babunia marche plus très bien, parce qu’elle se fatigue et que Jo n'est pas passé à l’appart. C’est Jo qui vous aide à vous en sortir, qui paye les factures quand t’oublie, quand m'man est trop déchiré pour le faire, c’est Jo qui fait ce qu’il faut pour garder l’appart, pour vous garder vous, tous ensemble. Tu grimaces devant la glace, le coton imbibé d’alcool que tu tapotes sur tes plaies, là ou le sang a déjà commencé à sécher. Tu soupires dans une nouvelle grimace quand tu la vois arrivée, dans le reflet du miroir, son épaule contre le chambranle de la porte. Y'as ses longs cheveux châtains de chaque côté de son visage de gosse, parsemé de tache de rousseur, de ses yeux verts qui te transperce comme à chaque fois. Elle soupire, les bras croisés, comme si elle allait t’engueuler. Et c’est exactement ce qu’elle va faire. Parce que c’est ce qu’elle fait toujours. Tu plantes ton regard dans le sien « Quoi ?! », elle hausse les épaules, elle sait déjà. « Tu voudrais pas arrêter d’être un merdeux pour une fois ? », elle se décolle de la porte s’approche de toi, bien trop pres, bien trop proche. Elle t’observe, ou bien plutôt observe tes ecchymoses, grimace à son tour. « T’as énervé qui encore ? », personne. Ou trop de monde, tu sais pas, t’en énerve tellement. Parce que tu joues au con, parce que tu franchis des limites pourtant fragiles. Tu hausse les épaules à ton tour, ce serait trop long à lui expliquer, trop fastidieux et ça lui donnerait bien trop de bonne raison pour t’engueuler un peu plus. Elle attrape le coton que tu tiens entre tes mains, la presse sur ta pommette. Tu grimaces, elle insiste. La peste, elle le fait exprès. Et tu ricanes. Ta bouche qui se tord entre le rire et la douleur. Tu sors une liasse de ton jean, quelques billets chiffonnés, gagner grâce à ta dernière partie de poker. Tu lui colles devant le nez. « Ça vaut bien de se faire défoncer la gueule non ? », elle regarde le fric et tu sais déjà qu’elle s’en fout, qu’elle te fera la morale. Parce qu’elle est au-dessus de tout ça Jo, parce qu’elle veut gagner sa vie comme il faut, proprement, pas de petites combines comme tu peux le faire, pas de petites magouilles en tout le genre. Parce que Jo c’est la plus intelligente de vous tous, c’est celle qui s’en sortira le mieux, celle qui fera quelque chose de sa vie. C’est celle qui te rend fière, tous les jours un peu plus, fier d’être son frère, de partager le même sang qu’elle.