Y’a du béton à perte de vue, des immeubles qui s’entassent les uns sur les autres, des grands, des petits, des très hauts et des très longs, intouchables, on dirait. Y'a les couleurs des robes trop courtes, des graffitis et des fleurs qui poussent quand même, à travers le macadam et le goudron. Y’a les lignes de chemin de fer à seulement quelques mètres, y’a le RER qui grince quand il s’arrête en quai, mangent les passants puis les vomit par ses portes défoncées, y’a les bars et les épiceries de nuit qui éclairent toujours les trottoirs de leurs néons usés, fatigués, lessivés. Y’a comme un goût de laideur dans la cité, comme une odeur de poudre, des pétards qu’on fait exploser entre les doigts des gosses et les autres qu’on roule dans l’ombre des caves. Y’a toujours les mêmes branleurs qui tiennent les murs, qui « schouf » les flics qui, au fond, passent pas souvent. Y'a les rires des gosses qui en ont déjà trop vus et les cris des mères qui s'tuent à la tâche, pour pas grand chose. Y’a de la joie, de la peine, et y’a toujours la foi, toujours de l’espoir. Y’a tout ça à quelques bornes de Paris, à quelques minutes de la plus belle avenue du monde, de la plus connue des tours. Y’a des mondes qui cohabitent, des mondes qui s’affrontent et qui s’ignorent. Parce qu’a Paris on connait la cité que par les infos qui passent à la télé, quand on fait cramer une voiture de flic ou quand on démantèle un trafic de stup. Personne voit, personne sait mais tout le monde en parle. La cité on la murmure, on la chuchote, on l’idéalise, on spécule, parce qu’au fond personne ne la connait vraiment.
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