battez-vous (sorya)

Tu tiens sa main fermement dans la tienne, histoire de marquer ton territoire. Tu veux que les autres la voient à tes côtés, savent qui elle est. C’est pas tant pour elle, que pour eux, quand t’auras tourné le dos et que tu l’auras laissé seule. Tu connais les types du milieu, leurs regards intéressés, leurs manières pas toujours très claires. Tu veux pas qu’on vienne se pencher sur ta meuf pendant que t’es parti ailleurs. Alors tu serres un peu plus fort, et t’avances au milieu des spectateurs. T’as des encouragements, des regards un peu noirs, d’autres plein d’espoirs. Il te suffit de quelques secondes les yeux dans les yeux pour deviner qui a parié contre ou pour toi ce soir. T’as encore la liasse de billets dans une poche de ton jean, et t’as la mine du type qu’il faut pas chercher. T’es pas sur le ring, mais t’es déjà dans ton match. Tu entraînes Sorya jusqu’au bord du ring, au premier rang. Les places VIP. Ici, tout est gris, tout est sale. Y’a que les sièges en plastique rouge et le ring bariolé qui donnent un peu de couleur à l’endroit. C’est le type d’entrepôt où, le reste du temps, tu préfères pas savoir ce qui se passe. Au premier rang, y’a quelques beaux costumes venus chercher le danger, et quelques belles nanas aux décolletés plongeant. Sorya est placée au milieu de la rangée, aux premières loges du spectacle à venir. C’est toi qui combat, alors t’as le privilège qui accompagne celui du mec qui va peut-être se faire péter la gueule. Tu lâches sa main pour coller tes deux paluches sur sa taille de guêpe. T’es face à elle, un baiser sur ses lèvres avant de fouiller dans la poche de ton jean et de lui confier ton fric. “J’ai besoin que tu prennes le pari pour moi, bébé. J’colle le mec KO au premier round, ok ?” Tu tends le bras et tu claques des doigts. Y’a un mec qui te fait signe de la tête, et tu sais qu’il va plus tarder. “On s’revoit dans pas longtemps, essaie de profiter du spectacle” un clin d’oeil et un baiser furtif, et t’es déjà barré dans la loge miteuse qu’on t’a confié. C’est la magie des combats illégaux, de ceux qui se jouent sous le manteau. Rien n’est déclaré, pas même les pauvres salles minables où vous échanger les coups. Alors t’es coincé dans cette pièce moisie à peine plus grande qu’un placard à balais. Tu te désappes pour enfiler ton short rouge, tes gants et ton protège-dents. T’as des tatouages sur tout le corps, et déjà, t’as pas l’air aimable, mais cet accoutrement te donne l’air d’un parfait connard. C’est bien, l’impression compte, elle aussi. T’as jamais combattu le mec d’en face, mais tu l’as vu combattre plus souvent qu’aucun autre. Tu sais déjà où taper pour faire mal. Et faire mal, t’adore ça. Alors quand t’entends ton nom rugir au micro de l’ambianceur, tu quittes ta loge et avance jusqu’au ring, l’air menaçant, frappant tes poings comme un avant-goûte de la suite. Le public te siffle ou t’encourage, c’est au choix. T’es galvanisé par l’ambiance, et tu montes sur le ring avec la férocité d’un gladiateur aux jeux du cirques. Tu sens l’arbitre prêt à siffler. Ca tombe bien, t’as quelques coups à distribuer.

Il vient de te traîner dans son monde, celui dont tu connais les abords sans en avoir compris le fonctionnement. Tu sais qu’il a assez confiance en toi pour t’emmener dans ce genre d’endroit, te laisser plonger avec lui dans le vice qu’il a lui même érigé au sein de la ville. Et y’a sa main qui tient la tienne avec la puissance communicative de ses phalanges, il ne te lâchera que si c’est nécessaire, tu sais que ta présence est faite pour être exhibée. Aucun dérangeant, quelques regards en coin que tu as appris à défier élégamment depuis que Toni veille sur toi. Pourtant, ton assurance est bancale, incapable de réaliser que le spectacle de ce soir, n’est pas celui auquel tu t’attendais. L’endroit est imprégné par la folie de la foule, tu ne saurais pas dire si il fait chaud ou froid, juste ces murs terriblement sales comme signe distinctif. Vous avancez ensemble en créant les chuchotements, tu sens qu’ils le regarde lui et aucun autre, juste Toni et sa gueule tout droit sortie des ténèbres. Les rangs de devant vous attendent, mais avant de t’asseoir, il t’embrasse en te proposant de parier sur lui. Tu fronces les sourcils un court instant, c’est lui qui montera sur le ring ce soir et même si la curiosité t’avait toujours amenée à l’imaginer dans cette situation, tu ne peux t’empêcher de contester cette décision. Mais tu n’as pas le temps d’en placer une, son air déterminé t’empêcherait de le contrer ce soir, tu n’as le temps de placer qu’un simple. « Fais attention » avant qu’il n’écrase à nouveau ses lèvres contre les tiennes et prenne la fuite. Tes yeux s’égarent tout autour pour jauger l’action et les gens autour de toi. Réaction qui ne t’a jamais quitté depuis que t’es sortie de la rue. Tu sens toujours leurs regards de vautours en faisant face, tête levée, cherchant à appliquer la consigne que Toni venait de te donner. Tu répètes bien vite le stand des paris, amorça la bombe en mettant tout l’argent sur la table en gardant un air sérieux. Le gars tenta une blague vaseuse, tu ne répondis rien pour finalement revenir à ta place une fois le ticket remit. Tu n’as aucune idée de ce qu’il pourrait se passer ce soir, sentiments mélangés entre l’excitation de la nouveauté et la peur de voir un spectacle violent, ton cœur se presse dans ta poitrine quand tu entends l’homme au micro l’appeler. Toni. D’instinct, tu te relèves en le scrutant au loin, cherchant son regard pour qu’il te remarque, mais rien. Juste le feu au fond de ses yeux, celui du mal qui prend place dans chaque parcelle de son âme et ne s’égare plus que sur son adversaire de ce soir. Le gars pourrait mourir rien quand croisant ses rétines noires. Le sifflement retentit et c’est tout ton corps qui se paralyse.