perdus pour toujours ft. Elliot

La gamine a encore fait une connerie. Il râle Tobi, c’est encore à lui d’aller la chercher. C’est pas son père bordel, mais c’est toujours lui qu’on appelle. Il utilise son scoot du boulot, histoire de bien lui foutre la honte. Le moteur fait un bruit insupportable et c’est marqué « Sushi taxi » sur le coffre. Il pleut à torrent quand il arrive devant Emile Zola. « Quel lycée de merde. » Il râle toujours, Zola ça lui rappelle des bons souvenirs et des moins bon aussi, beaucoup de moins bons. Il a pas de casque. Si sa mère le voyait elle lui arracherait les yeux. Ses cheveux sont trempés. « Putain merde, ça caille bordel. » J’vous l’ai dit, il râle toujours Tobiasz. Il lâche son scooter, les clés encore sur le contact, ici personne lui volera sa bécane pété. Il passe le portail métallique, il est tout rouillé, il retient plus grand-chose ce grand portail, il dissuade plus personne, et puis il serait pas là les élèves sortiraient pas moins, il en sait quelque chose toto. Il rabat sa capuche sur son crâne déjà mouillé. Il passe devant un groupe de gosse, il en reconnaît un, celui qui était à  à l’appart la semaine dernière. Il lui crache presque sur les pieds et continue jusqu’à l’administration. Il entrevoit la gamine à travers la fenêtre, elle discute avec le principal. « Fait chier, ils pouvaient pas m’appeler une fois qu’elle aurait terminé de se faire remonter les bretelles. » Il se retourne brusquement, des éclats de rires, des gamins qui rigolent. Comme si Zola c’était drôle bordel, comme si la vie c’était drôle. Il aperçoit un groupe bouger et sortir du lycée. Il reste plus que le garçon de la semaine dernière, tout seul, adossé au mur. Tobiasz s’approche, au fur et à mesure qu’il distingue son visage, il se souvient des images qui ont marqué sa rétine. Le gamin était dans sa chambre, chez lui, et il portait cette putain de robe moulante. Sa sœur lui avait prêté, comme s’il tolérait ça chez lui, devant son miroir. « Tu portes pas de robe aujourd’hui ? Il fait trop froid ou t’as troué tes collants ? » Putain c’est vrai quoi, c’est quoi le problème avec ce gosse, les choses peuvent pas être simple parfois ? Il a un beau visage, il est féminin mais doux tout autant que tobi est bourru et indélicat. Pourquoi ce gamin en robe lui trotte encore dans la tête bordel. « J’espère pour toi que t’as pas l’intention de la baiser sinon j’te décale la mâchoire. Sinon j’peux te donner des conseils pour séduire les meufs si t’as pas l’habitude. » Il est confus, c’est n’importe quoi, dans sa bouche ça se bouscule, il dit des choses qu’il devrait pas dire, il s’en rend compte et ses joues deviennent rouges. « Fin pour draguer d’autre nana que ma sœur j’voulais dire, évidemment. » Evidemment.

Journées qui s’assemblent et se ressemblent. Le lycée, c’est un peu comme une horloge avec les mêmes heures qui se répètent sans cesse. Sans nouveauté. Sans vraiment d’exploit. Lycée, cette chose qui prend tout le temps d’une vie et qui pourtant est si fade. Avec des rires parfois trop faux. Avec des paroles, parfois, trop durent. Un endroit où les gosses rient. Où les gosses crient. Et où on vous pointe du doigt. Où on rit de vous. Où on fait bien semblant… Souvent. Et toi, c’est ce que tu fais, putain, Elliot. Faire semblant. Pour ne pas trop qu’on t’emmerde. Pour ne pas trop qu’on te pointe du doigt. Parce que y a déjà le père qui le fait. Alors, t’essayes. T’essayes vraiment de faire comme tous les gars du coin. Même si ça marche pas totalement. Même si parfois, on voit que c’est faux. Pourtant, la plupart du temps c’est pas si mal. Pourtant, souvent ça marche plutôt bien. Et puis, t’as la chance, oué, d’être pas trop nul. D’être pas trop chiant. Alors, les profs, ils te laissent tranquilles. Rarement, t’as le droit à des remontrances. T’es sûr, qu’au conseil de classe t’as le droit à des commentaires, du genre, bon élève, clame. On en aimerait bien des autres comme ça. Mais, c’est pas souvent, ici. Que y a des gosses calmes. Peut-être les premières années. Peut-être…

Parce qu’après y a l’innocence qui s’envole. La vie qui cogne, la tête qui finit par comprendre que y a pas de rose. Ici. Que la vie. De son noir et gris. Avec parfois, juste parfois, un éclat lumineux qui se perd comme le soleil dans les nuages. Oué… Mais, toi. Toi tu l’as parfois cette putain d’innocence. Alors c’est peut-être pour ça que tu te rends pas compte. Pas tout de suite, que y a l’homme qui approche. Pour venir te parler. Pour venir faire quoi, t’en sais trop rien. Mais, quand tu le remarques, putain, y a ton corps qui sursaute et ton cœur qui s’emballe.

Les rires résonnent et l’alcool coule un peu trop dans vos veines. Sourires fous sur les lèvres. Tu tournes en rond alors que les fines bretelles retombent sur tes épaules. Alors que le tissu épouse ta poitrine et que la robe remonte le long de tes jambes. Nues. Tu ris. À cette connerie. À ce sentiment trop chaud qui embrume ton cœur. Jusqu’à ce que la porte s’ouvre. Jusqu’à ce que ton regard croise le sien.

Celui qui te fait face à l’instant. Elliot. Tu peux pas t’empêcher de rougir. Violemment. Le rouge monte le long du cou, le long des joues. Merde. Merde. T’es mortifié. Qu’il t’ait vu. Mortifié et terrorisé. Qu’il le dise à quelqu’un. Qu’il le dise à ton père, peut-être. Merde. Te mordre les lèvres. Tu fronces un peu les sourcils. Tu te demandes ce qu’il fait là. Parce que… Est-ce que y a un souci ? Tu cherches autour de toi. Mais, tu vois personne. En tout cas, tu ne la vois pas elle. Et t’aurais bien voulu. Pour qu’elle te sorte de cette situation. Alors que l’autre parle. Et que tu comprends pas trop de quoi d’ailleurs. De fille, de drague, de coucher avec elle. T’as sûrement les yeux un peu ronds en le fixant. Idiot. Mais, t’es surtout un peu trop touché de sa putain de moquerie sur la robe. T’as comme envie d’enrouler tes bras autour de toi. Pour te protéger. De lui. Du monde. Mais, tu sais que ça ne marche pas comme ça. « Tu dis quoi comme conneries ? » Et t’as un peu de mal à lui répondre. Du mal à faire ton gars. A parler un peu mal. Vulgaire. Merde. « J’veux pas la baiser ! T’es con ou quoi ! » Parce qu’elle…elle est trop spéciale. Parce qu’elle…elle est pas un gars non plus. Elle t’intéresse pas comme ça. Non. Mais, ça tu le dis pas. Putain. Il en a déjà bien trop vu.

Te redresser, te rapprocher. Elliot. T’es un homme. Un homme. C’est ce qu’il ne cesse de dire, papa. Le fixer. Tendre une main, le pousser, là, sur l’épaule. « Et j’ai pas b’soin d'toi pour draguer ! » Parce que putain. Putain. C’est pas la sœur que tu veux draguer. Ça serait plus lui. Ça oui. Et t’as le rire qu’apparaît, tu peux pas t’empêcher. Parce qu’il s’embrouille le con. Il rougit. Il est beau. Alors, tu ris. Ris un peu de lui. Ris en le voyant s’embourber. Mais, tu te moques pas. Non pas vraiment. Avant d’essayer de te calmer. Te racler la gorge. Une moue un peu inquiète apparaissant sur tes lèvres. « Y un souci ? Elle… »

Il connaît même pas son prénom. Pour lui c’est juste un gamin un peu bizarre. Enfin peut-être pas. Peut-être qu’il va pas lui demander comment il s’appelle parce que ça lui donnerait beaucoup trop d’importance. Il continu de pleuvoir, alex est toujours dans le bureau et lui il scrute toujours les yeux trop clairs de ce gosse. Ça l’angoisse cette situation. Il est là, face à ce type qui semble pas très net, à ce gamin qui met des robes. Il s’en fiche de lui faire du mal. Peut-être qu’il le mérite. Il portait une robe bordel, et si ses potes l’avaient vu comme ça, il aurait dit quoi le marmot ? Ses réponses sont pas claires à lui non plus. C’est quoi son putain de problème ? Au début tobi répond pas. Les cordes qui tombent l’assomment. Il le laisse parler, rire, se détendre un peu.

Et bordel ça l’énerve, il sait pas trop pourquoi, mais ça le chiffone, le gamin paraît presque pas gêné. Alors quand le sang monte un peu trop, il lui coupe presque la parole. « Tu m’as traité de con là ? ». Il lui choppe le colbac comme un putain de thug. Il sait plus très bien si c’est la pluie qui rentre dans ses oreilles qui le fait dérailler ou s’il a juste envie d’éclater la gueule du gamin. Et puis il se rappelle qu’il est dans un lycée et que sa sœur peut certainement le voir de là ou elle est. Il donne pas le bon exemple. C’est pas qu’il en a quelque chose à foutre de l’exemple qu’il donne mais il a pas envie de briser le peu d’innocence qu’il reste à la gamine. Il le relâche un peu.  Il ose décliner son offre. Il lui proposait gentiment de l’aider à tirer son coup et le gosse refuse. Mais ses parents l’ont mal élevé putain, peut-être même qu’il en a pas et que c’est pour ça qu’il est pas au courant que les robes c’est pour les meufs.

« Putain mais j’suis con, j’avais pas compris, mais tu l’as déjà baisé c’est ça ? Tu l’as engrossé aussi ? Et ça te gêne pas d’être plus sexy que ta nana dans une robe moulante ? » Il sait pas trop sur quel ton il a dit ça. Il est peut-être un peu jaloux qu’on touche à sa sœur. Peut-être qu’il sait plus trop où il en est. La tête du gosse est vraiment pas loin de son poing, y a rien qui l’empêche de lui en coller une. Mais il voudrait pas l’amocher, mais il sait pas trop pourquoi. Ça le gêne, il a envie de se tirer et de laisser sa sœur rentrer à pied. Son regard se durcit mais il fait rien, il reste là, les mains crispées dans la chemise du gamin.

Y a la peur. Là, qui l’espace d’une seconde glisse dans ton regard. Quand il t’attrape. Quand tu te dis qu’il va te taper dessus. Que tu vas passer un mauvais quart d’heure. Et putain t’as peur. Et putain, tu veux pas. Mais, non. Il se calme, te secoue un peu. Te tient, mais il ne lève pas la main. Et t’as presque envie de soupirer. Pour essayer de calmer les battements effrénés de ton cœur. Mais, tu n’en fais rien. Ne jamais s’avouer vainqueur, jamais. Alors, tu le regardes, l’écoutes. Fronce les sourcils, comprends vraiment pas pourquoi il n’arrête pas de dire que tu l’as baisé. Elle. Parce que non ! Non ! Et tu voudrais presque l’insulter encore une fois. Mais, t’oses pas. Il va te taper le con. Con. Con. Con.

Con.

Surtout quand il parle, parle pour ne rien dire, parle pour… dire que tu es sexy ? Ton regard s’écarquille, ton souffle se coupe un peu. Et, y a tes mains qui se posent contre ses épaules. Pour essayer de l’éloigner. T’es persuadé qu’il se moque de toi. Vraiment. Sinon il dirait pas ça. Sinon, il serait déjà bien loin de toi. Pas aussi prêt. Pas aussi…. Déglutir difficilement, le fixer. Voir les autres fuir la pluie qui vous tombe dessus. Seul. Seul au milieu de l’asphalte de la cours. Putain. Heureusement que t’as pas court, heureusement, sinon tu serais en retard. Et ça non. Non.

Sexy.

T’as presqu’envie de… Y a cette chaleur qui monte dans ta poitrine, peut-être aussi sur tes joues. Tu te dis qu’il faudrait juste…juste. Sourire moqueur sur les lèvres. « Tu dis de la merde. » Oh oui, mec. Tu baises pas les filles toi. Toi tu… Et tu te penches un peu. Tu glisses tes lèvres proches de son oreille. Comme pour murmurer un secret. T’hésites, tu ris un peu. Moqueur. « Alors comme ça je suis sexy ? » Et tu te recules, te moques de lui avant de donner un grand coup dans les mains qui te retiennent. Pour qu’il te lâche putain ! Parce que t’as failli lui dire autre chose. Mais, tu l'as pas fait. Juste ces quelques mots. Pour le déstabiliser. Pour qu’il te laisse tranquille.

Ils sont toujours là, collé l’un a l’autre. Le gosse approche ses lèvres, il se crispe tobi. Putain il cherche quoi lui. Et ce qu’il lui murmure dans l’oreille, ça l’énerve, ça l’rend dingue. Comment ce mot a pu franchir le rebord de ses lèvres bordel. Il parle trop tobi, ça le rend ouf de raconter de la merde comme ça. Ses mains lâchent son col.

Il prend le temps de réfléchir.

Il veut pas dire de connerie, encore. Il respire un bon coup. C’est rien. Il se fait des idées. C’est pas parce qu’il se pose vachement de question en ce moment que c’est écrit sur son front. Il prend une grande inspiration, regarde ses pieds, puis ose plonger son regard dans celui du gosse. « Écoute moi bien gamin, si tu parles ne serrais-ce qu’une seconde de ce qui vient de se passer à ma sœur , je te ken, t’as compris ? » Toto il a balancé ça d’un air serein, pourtant il a pas menacé tant de mec que ça. Il doit avoir l’air serein.

Il réfléchit encore, c’est pas souvent qu’il prend le temps de parler.

« En fait, si tu oses parler de ça à quelqu’un, j’te déglingue. Je dirais à tout le monde que t’as voulu te taper ma sœur et qu’elle t’as recalé. Et t’inquiètes pas, le Chabrulax, son mec à deux balles là, il viendra te casser la gueule lui aussi. Peut-être même qu’après il sortira un son sur votre baston.» Tobias s’arrête là. De toute façon il n’a pas d’autres menace à lui faire. Il a perdu ses moyens une fois, c’est tout. La situation est sous contrôle maintenant hein ? Il se recule un peu, histoire que si le gamin essaye de lui décrocher une droite il puisse l'esquiver, c'est pas très plaisant de se faire menacer.

Il se rend compte qu’il connaît toujours pas son prénom.

« Et puis c’est quoi ton prénom ? Tu sais quand on viens chez quelqu’un, le minimum c’est de donner ton prénom, hein gamin ? » Tobi s’était pas présenté non plus le jour où il est venu à l’appart, mais le gamin devait le connaître. Tobi pense toujours que tout le monde le connaît.

Tu le fixes. L’air un peu incertain, l’air un peu idiot aussi, un peu. Parce que tu te demandes si ce gars est réellement con, ou s’il fait exprès. Parce que putain ! Tu ne sais plus dans quelle langue il faut que tu lui dises, que tu veux pas la baiser sa sœur, ni elle, ni l’autre. Aucune ! Aucune ! Il se recule, il te menace et maintenant, il te demande ton prénom. T’es un peu paumé Elliot. Tu sais pas comment réagir. Le faire réagir. Tu sais pas ce que tu dois faire. Parce qu’il est bouché complètement. Rester un peu loin, continuer de le regarder. Le détailler. T’en profites, il est près. Tu peux regarder, la barbe sur sa peau, son regard envoûtant et tout le reste. Un homme, un putain de mec bandant. Tu déglutis difficilement. Fermes un peu les yeux. Il t’a énervé le con. Et t’as presque pas envie de lui dire ton prénom parce que si c’est pour, encore, qu’il te dise de pas la toucher la gamine.

Rouvrir le regard. Le fixer encore. Faire un pas en avant. Aller, Elliot, soit fier et courageux. « T’es vraiment con en fait mec ! Faut que je te le dise en quelle langue pour que tu comprennes que ta sœur. Alex, je ne veux pas la baiser. » Et tu articules exagérément comme si tu parlais à un môme de trois ans. Pour bien qu’il comprenne. Mais, il te fait sortir de tes gonds. Toi qui d’habitude es plutôt calme et effacé. T’as envie de lui mettre une droite. Mais, c’est peut-être parce qu’il la salit. Alex. En pensant comme ça. Qu’elle baise tout ce qui bouge. Qu’il salit votre relation. Exceptionnelle. Tu l’aimes la gamine. Comme jamais. Mais pas comme lui, il pense. Parce qu’elle comprend. Parce qu’elle rigole avec toi. Parce qu’elle se moque pas. Quand tu veux mettre le rouge aux lèvres et les robes au corps.

Qu’il te frappe. T’en as rien à faire. Qu’il se moque. T’en as rien à faire. T’façon il t’a menacé, pour que tu ne dises rien alors…Alors tu dis que y a un truc, là, chez lui. Qui pourrait faire que tu le choc enfin. Pour qu’il arrête. Ses menaces. Pour qu’il arrête. S’approcher encore. Y a un peu d’adrénaline dans tes veines. Parce que t’es pas fait pour ça. Pas du tout. Rapprocher ton visage du sien. Sourire juste un peu. T’es trop près, tu le sais. Tu te demandes s’il va faire quelque chose. Souffler, là, quasiment contre ses lèvres, t’es sûr qu’il peut sentir la chaleur de ton souffle contre sa bouche. « C’est plus toi. Que j’voudrais qu’tu m’baises. »

Et tu te recules, violemment. Et t’as les joues brûlantes. Mais tu te dis qu’il va enfin comprendre. T’espères putain. T’as jamais dit un truc comme ça. Jamais, jamais. Attraper ton sac, fuir. Fuir. Fuir. Tu peux pas rester là. Non non non.