ingrid -- tu continues à danser sur des hits sales

( FAMILLE ) On choisit pas sa famille, on choisit pas ses parents. Et pourtant, malgré le gros bordel que c'est chez les Staziak, Ingrid elle remercie le hasard de l'avoir placée avec eux. Plein d'enfants, trop plein d'enfants. Des cris, des pleurs, des cheveux tirés et des bras mordus mais putain qu'ils ont vécu. Un, puis deux, puis trois, puis neuf au final, on les a pas vu s'agrandir les Staziak tant les têtes se multipliaient d'année en année. Mais c'était une jolie fratrie. Les grands frères sur lesquels on s'appuyait, les petites soeurs sur lesquelles on appuyait l'oreiller un peu trop fort lors des batailles de mômes. Bonbecs échangés, grand frère de la beurette d'à côté épié par l'unique fenêtre de l'appart-boîte-à-chaussures, vernis volé pour des ongles un peu trop rongés, son enfance, Ingrid, elle en garde globalement que des bons souvenirs, des ptites pépites dorées pour les nuits un peu trop noires du monde d'adultes.

( POTOS ET TEUFS ) C'est le sang. Ses potes, les vrais, ils sont comme sa famille. Ingrid, elle a l'habitude d'avoir le coeur grand pour y accueillir plein de monde. Elle a grandi dans une smala, beaucoup (trop) de gens, elle connait et elle se sent presque hyperventiler quand elle est seule. Le bruit des enceintes bon marché, la fumée des clopes au bec des voisins de quartier, les bassins bien trop collés à son petit cul bombé, elle connait par coeur. Parfois même, il lui arrive de chanter. Une petite impro, rien de plus. Un flow assez bon qui scotche les mecs qui la voulaient, maintenant bien trop high pour se souvenir du prénom de leur mère. Parce que ouais, Ingrid, elle aime le chant. Pas du Piaf mais plutôt du Gainsbarre. Faire sonner les mots, les envoyer contre les murs de la cité et attendre le son qu'ils vont provoquer une fois qu'ils ont ricoché. Mais ça, elle n'en parle pas, c'est sa passion secrète parce qu'elle craint qu'on se foute de sa gueule si la petite sous acide venait à avouer que la vraie drogue qui la faisait planer c'était la musique.

( DROGUES, HESS ET BEAUTÉ ) Pas très mature dans son genre, Ingrid ou plutôt Lola dans ces cas-là, se transforme en véritable machine à destruction. Même si elle aime sa famille, elle a souvent eu besoin de s'évader de sa prison de béton alors elle a touché à des substances illicites comme les keufs disent. D'abord sa cigarette chérie sans laquelle elle ne passe pas une journée malgré les réprimandes du grand frère, ensuite le shit. Et autres petites saloperies du genre. C'pas évident de s'en procurer alors elle pioche dans le tas des autres en soirées et elle rit. Elle pleure, elle embrasse et elle rit encore. Rentre à pas d'heures, lance un doigt d'honneur à Toto et se laisse tomber sur le matelas à côté de sa soeur qui va grommeler qu'elle fait chier de la réveiller aussi tôt. Mais pour Ingrid, il est pas tôt. Il est jamais trop tôt pour se perdre dans les petites galères, dans les grosses aussi et pour pleurer en silence dans son sommeil diurne. C'est un putain de cercle vicieux dans lequel elle s'est engagée sans s'en rendre compte et malgré ses efforts, elle l'aime de façon nocive ce bien qui fait mal.

( CITE, SEX AND COLOC ) C'est pas tous les jours évidents de vivre avec son grand frère et ses soeurs. C'est pas tous les jours facile de se comparer secrètement à l'aînée et son parcours sans tâches. C'est pas tous les jours facile de vouloir ramener un mec ou une meuf à la piaule sans se faire griller, c'est même mission impossible. C'est pas tous les jours évidents de découcher et de rentrer sous les réprimandes ou les regards tueurs silencieux. C'est pas tous les jours facile de voir les inquiétudes de ceux qui comptent pour vous ou même de les voir eux-mêmes trimer. C'est pas tous les jours faciles de traîner les pieds avec cette mélancolique mélodie dans les oreilles qui bourdonnent, bourdonnent. C'est pas tous les jours facile de mettre un pied devant l'autre quand on est habituée à tituber et pourtant, c'est le quotidien d'Ingrid, poupée du bas des blocs.